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Rupture des pourparlers : quand la liberté de ne pas contracter dégénère en abus…

 

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C’est un fait que bien des cédants ou repreneurs ont expérimenté : lorsque les négociations sont entamées avec un potentiel cocontractant, on sait quand celles-ci commencent mais on ne sait pas quand elles vont se terminer et surtout si elles vont aboutir. En cours de route, les raisons de rompre des pourparlers peuvent être légions. Si la liberté de ne pas contracter reste le principe, ce droit peut dans certains cas dégénérer en abus, engageant alors la responsabilité de celui qui rompt les négociations. Retour sur les enseignements à tirer de la jurisprudence récente en la matière… pour rompre une négociation sans faute !

 

Dans un arrêt du 18 janvier 2011, la Cour de cassation a classiquement retenu la responsabilité d’une partie venderesse

qui « avait rompu sans raison légitime, brutalement et unilatéralement, les pourparlers avancés qu’il entretenait avec son partenaire qui avait déjà, à sa connaissance, engagé des frais et qu’il avait maintenu volontairement dans une incertitude prolongée en lui laissant croire que l’affaire allait être conclue à son profit »(1) . Au cas d’espèce, était reproché au vendeur d’avoir poursuivi de façon déloyale des pourparlers avec un acquéreur putatif en entretenant l’illusion d’une conclusion prochaine de la cession, puis les avoir arrêtés abusivement alors qu’il avait en réalité préparé une cession de l’entreprise à un tiers.



 

Une autre décision récente juge dans la même lignée

qu’une « rupture brutale, imprévisible et sans motifs des pourparlers entre les parties […] doit être qualifiée d’abusive au regard des frais exposés […], de l’avancement des pourparlers et du commencement d’exécution du contrat »(2) .

On observera que dans tous les cas, pour qu’une responsabilité puisse être encourue, les pourparlers doivent être « avancés ». Ainsi, par exemple, dans une décision du 16 décembre 2010, une Cour d’appel a-t-elle souligné que des pourparlers qui n’avaient duré que deux mois et qui étaient bloqués dès l’origine n’étaient pas « avancés » et que partant « chacune des parties restait libre de mettre fin à tout moment à ces pourparlers »(3) . Pareillement, la Cour d’appel de Paris (4) réaffirmait qu’il n’y avait pas non plus rupture fautive lorsque « les parties en étaient restées à un stade exploratoire et n’avaient aucunement formalisé les bases d’un accord définitif et qu’en refusant de finaliser celui-ci les intéressées n’ont fait qu’exercer leur liberté contractuelle qui implique celle de ne pas contracter ».

On notera que la longueur des négociations n’est pas en soi un élément discriminent puisque dans une espèce où les négociations avaient duré huit mois, aucune faute ne fut caractérisée puisqu’en « l’absence de tout élément permettant de connaître avec certitude l’état d’avancement des négociations entre avril 2005 et décembre 2005, il n’est pas établi que Mme X pouvait légitimement croire à la concrétisation de l’engagement de Mme Y et qu’en notifiant le 2 décembre 2005 son refus de conclure la cession prévue, cette dernière ait fait preuve de mauvaise foi ou agi avec une légèreté fautive »(5).



 

En application de ces principes jurisprudentiels, on ne pourra donc que conseiller, en amont, aux repreneurs et aux cédants de structurer le processus de négociations en stipulant le plus clairement possible toutes les étapes à franchir pour arriver au contrat.

Tous ces éléments, qui seront autant d’éléments déterminants de leur consentement, permettront ensuite de justifier le cas échéant qu’il soit mis fin aux négociations s’ils ne sont pas réunis. De façon générale, les parties devront avoir à cœur de ne jamais laisser prospérer l’illusion d’une signature imminente si elles considèrent qu’en réalité plusieurs points ne sont pas réglés. En aval et malgré ces précautions, si les pourparlers sont assez avancés pour que leur interlocuteur puisse avoir la conviction de ce que l’affaire est sur le point de se conclure et encore plus, s’il a engagé des frais dans cette perspective, la partie qui prendra l’initiative de la rupture devra s’attacher à expliquer les raisons objectives qui l’amènent à user de sa liberté de ne pas contracter. Enfin, on rappellera qu’en application de l’arrêt de principe « Manoukian » (6), les conséquences pécuniaires d’une rupture fautive des pourparlers se limitent aux frais engagés par la partie qui subit ladite rupture (frais d’audit, de conseil…) à l’exclusion de la perte de chance associée aux gains probables qu’elle aurait pu tirer de la conclusion du contrat.



 
François GINE

Avocat Associé

fg@brault.net

Cabinet Gatienne Brault & Associés



(1). Cass. Com., 18 janvier 2011, n°09-14.617 inédit
(2). CA Paris, 25 novembre 2010, n°0912159
(3). CA Aix en Provence, 16 décembre 2010, n°2010/770
(4). CA Paris , 15 décembre 2010, n°08/00352
(5). CA Dijon, 4 janvier 2011, n°09/01929 (6). Cass Com., 26 novembre 2003, Bull. civ.IV n°196, p. 206


 

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